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écriture

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ECRITURE ET METHODE
par David Sicé.

 

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Certains répètent à qui veut les croire qu'il faut avoir la science infuse pour écrire. Écrire, c'est un don, nous affirme-t-on. Osons aller jusqu'au bout de cette logique : écrire c'est génétique, il faut être l'élu de Dieu (des Dieux selon l'époque où le lieu où vous vous trouvez), en bref, être un grand sorcier. Si vous êtes assez bête pour croire une seconde à des âneries pareilles, allez plutôt voir ailleurs si ce que vous recherchez pour de vrai s'y trouve.

 

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La réalité est beaucoup plus humaine. Jour et nuit nous écrivons des récits, sous la forme de pensées, de paroles, de fantasmes, de rêves. Bien sûr, on peut discuter sans fin sur la question de savoir si ce sont des bons récits, s'il faut respecter telle ou telle dictature du style ou du contenu, ou encore s'il faut écrire à la main en caractères cursifs ou plutôt en script, en français exclusivement ou en chinois parce que c'est la langue de demain.

 

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Mais la vraie réponse à comment se mettre à écrire est tout simplement d'arrêter de se trouver des raisons pour ne pas écrire.

 

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Une fois que vous vous serez décidé à arrêter de jouer à celui qui essaye d'écrire et parle bien trop au lieu faire, existe-t-il une méthode pour écrire des récits ? Pas la peine de sortir le chéquier ou faire chauffer la carte bleue, je vous en offre deux, tout à fait concrètes.

 

LA MÉTHODE DURE

 

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Pour écrire, il faut écrire bien, de toutes ses forces, en se prenant la tête, en recommençant cent fois la première phrase. Chaque mot, chaque signe de ponctuation doit être à sa place et pas ailleurs. Et surtout, cela doit être ORIGINAL. Personne n'a jamais écrit sur ce sujet, ni comme vous le faites, ni avec les mots ou le genre de phrases que vous écrivez, et surtout pas avec le même début, le même milieu, la même fin, le même titre.

 

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En ce qui me concerne, c'est une méthode à éviter à tout prix parce qu'on met un temps fou à arriver au bout de son ouvrage — et qu'au final, celui-ci a toutes les chances d'être bon pour la poubelle.

 

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Il ne faut jamais rechercher la perfection quand on se lance dans la rédaction d'un premier jet. Si vous tombez dans ce piège, vous allez récrire cinq cent fois les mêmes trois premières phrases, revenir toutes les cinq minutes au début de votre paragraphe pour corriger tel détail qui ne vous paraît soudain plus coller avec le reste, lire et relire votre première page avec l'impression tenace que ça ne ressemble pas à un « vrai » roman du genre de ceux que vous admirez tant.

 

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Vous allez souffrir. Vous allez bloquer.

En fait c'est même le but de toute la manœuvre :
se punir, se mettre plus bas que terre, ne jamais y arriver
et se maudire d'être aussi nul.

 

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Vous perdrez complètement de vue cette sensation de planer
propre à l'inspiration (due au flot de sérotonine qui envahit
à cet instant le cerveau).

Vous ne serez plus « dans l'action » alors que votre but premier est d'y transporter le lecteur. En guise de fièvre dévorante, vous n'aurez droit qu'à une migraine persistance et le sentiment d'échec.

 

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Alors oubliez définitivement la perfection, du moins au moment de jeter pour la première fois vos mots sur le papier, et ce jusqu'à ce que vous soyez arrivé au mot « fin ».

 

LA MÉTHODE LIBRE

 

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Commencez par décider de la date à laquelle vous voulez tenir en main votre manuscrit prêt à éditer.

Soyez réaliste si vous le pouvez au regard de votre emploi du temps et de la quantité de travail à fournir au regard de la taille du manuscrit (avec un traitement de texte, il faut, avec de l'expérience, une semaine à temps plein (8 heures de travail par jour en continuant de manger le jour et de dormir la nuit) pour boucler un récit moyennement dense en personnages et en intrigue de 100.000 caractères.

Par exemple, donnez-vous 15 jours pour finir une nouvelle de taille moyenne (une quinzaine de pages, peut-être plus si vous écrivez à la main).

 

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Coupez ce temps en deux. Par exemple vous aurez sept jours pour rédiger le premier jet, et sept jours pour réviser votre manuscrit (corriger tout ce qui peut clocher). Si bien sûr vous terminez avant l'heure, c'est encore mieux — mais ne cherchez pas à battre un record : souvent les idées ont besoin de nuits pour mûrir.

 

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Commencez par rassembler vos idées et votre documentation,
jusqu'à ce que vous ayez une vision claire et profonde de vos décors, vos personnages, de ce qui est important dans votre histoire (ce que vous voulez montrer au lecteur, comment s'articulent les intrigues etc)
ainsi que de vos scènes-clés :
comment ça commence, comment ça finit,
les scènes capitales entre les deux, climax compris
— le climax est le moment d'émotion le plus fort,
situé en général un peu avant la conclusion.

 

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Une vision profonde est une vision générale
que l'on peut détailler autant qu'on le désire si on le désire : par exemple, à propos d'un personnage, on se pose une question et la réponse jaillit à l'esprit instantanément et avec certitude. Si on fait ça avec une scène choc, les dialogues, descriptions jaillissent comme si on était en train de les lire dans un livre ou de les « voir » au cinéma.

 

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Ce phénomène est dû à l'organisation de notre mémoire : pendant ce temps de préparation, et les nuits de rêves qui s'y sont intercalées, le cerveau a créé de nouvelles associations qui, une fois activées, libèrent l'histoire qu'on veut écrire dans tous ses détails. Pas besoin d'être un auteur expérimenté pour y arriver : il suffit d'avoir vécu ou lu suffisamment de détails sur les questions en rapport avec le récit.

 

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Une fois arrivé à « la vision » — et même si vous n'y arrivez pas — mettez-vous devant votre machine et écrivez tout ce qui vous vient à l'esprit à propos de l'histoire, même si le résultat n'est pas le récit parfait au mot près.

 

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Pourtant vous avez alors toutes les chances que ce le résultat soit parfait en terme d'émotions et de présence — le principal, le plus rare. Il y a bien quelques minutes au début où ça tourne à vide : le cerveau s'échauffe.

 

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Puis, après un certain nombre d'heures variables selon votre entraînement, la sérotonine s'épuise et les mots deviennent de plus en plus durs à aligner. Arrêtez-vous et reposez-vous : votre inspiration n'est jamais perdue. Vous la récupérerez en dormant bien et relisant le lendemain ce que vous aviez écrit une heure avant de vous arrêter.

 

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Arrivé au moment de la révision de votre premier jet, soyez intraitable : coupez tout ce qui est en trop, rajoutez ce qui manque, corrigez le style et l'orthographe au signe près. Votre premier jet n'est alors que de la pâte à modeler, de la glaise.

 

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Mais attention, il arrive souvent que ce soit aussi la meilleure version que vous pourrez jamais écrire, du point de vue de la puissance d'évocation, alors prenez bien garde à ne jamais « triturer ».

 

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Souvent, il faut simplifier et non ajouter : sujet, verbe, objet, point. Virez les figures de styles, juste pour voir ce qu'elles cachent : souvent une grande misère ; plus rarement de véritables trésors d'intrigues, d'émotions et de caractères.

 

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Lisez à haute voix vos propres mots si nécessaire : c'est le meilleur moyen de savoir si c'est bon ou s'il faut changer quelque chose.

Concernant l'orthographe ou le français, seule une équipe de correcteurs professionnels peuvent vous garantir un sans faute.

Et encore, vu que les autorités françaises éducatives
ou académiques changent très régulièrement la règle du jeu,
histoire d'entretenir la confusion générale et d'asseoir leurs autorités respectives.

 

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Mais là encore, pas besoin de sortir le porte-monnaie : jouez plutôt de vos relations, sans non plus les assommer d'une montagne de papiers.

Dois-je vous rappeler au passage que le correcteur automatique de votre traitement de texte du moment n'est ni fiable, ni inspiré et souvent très ignorant ?

 

*23*

Le délai de production étant expiré, publiez ou envoyez votre manuscrit, même s'il n'est pas parfait. Rappelez-vous qu'un auteur qui n'est pas lu n'est pas un auteur, et que toute personne qui est lue est un auteur, peu importe qu'il ait l'étiquette « vu à la télé » collé en pleine face. En tant que conteur, vous travaillez avec une communauté, pas (seulement) avec votre ego ou votre petite cour personnelle de bons amis, de fans, de béni oui oui ou de critiques ignobles.

 

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Pensez à toujours conserver plusieurs copies papiers et informatiques de vos récits, quelque soit leur degré supposé de réussite : vous ne savez pas ce à quoi le futur ressemblera. Vous ne savez pas qui vous lira plus tard et sera touché par vos idées.

 

*25*

Vous ne savez même pas qui vous serez dans un an, dix, vingt ou cent, et écrire, avec tous vos défauts, toutes vos qualités, tous vos rêves, vous rappellera peut-être aussi au bon souvenir de cet inconnu. Voyez cela comme une sauvegarde de l'esprit sur papier.

 

David Sicé.

 

FIN