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LES EXTRAITS DES RECITS DE LA SF

Tous droits réservés : texte David Sicé, illustrations : leurs auteurs.

 

LES CONQUERANTS

DE L'IMPOSSIBLE 2 :
CELUI QUI REVENAIT DE LOIN

Philippe EBLY

 

« Trente. »

A ce moment, le docteur Forestier intervint.

« Il vaut mieux le laisser à trente degrés. Si nous continuons à le réchauffer, le temps travaille contre nous. Marc, coupe la dia-thermie...

— Compris... » dit Marc.

 

Le médecin continuait son massage, du même mouvement régulier, mais il semblait de plus en plus soucieux. Il se tourna vers l'infirmière...

« Madame Mareuil, combien jusqu'à présent?

— Cinq cent vingt centimètres cubes.

— Pas de malaise, Serge?

— Non, docteur, ça va très bien. »

Il y eut un silence d'une ou deux secondes. Le docteur Forestier réfléchissait.

« Mmmmmm... Vous pouvez continuer, ma-dame Mareuil. Serge est costaud, mais faites attention quand même. Prévenez-moi si vous le voyez faiblir, et ne dépassez pas sept cents... »

Serge n'hésita pas. Il voulait sauver ce garçon inconnu, et cette volonté lui fit oublier toute prudence.

« Prenez tout ce qu'il faudra, dit-il.

— Pas question !... trancha le docteur Forestier. Il ne faut pas exagérer. Il y a des limites qu'on ne peut pas dépasser... Madame Mareuil, vous irez jusqu'à huit cents, mais pas un centimètre cube de plus... A aucun prix...

— Entendu, dit l'infirmière. Huit cents et rien de plus. »

Il y eut un nouveau silence. Le docteur Forestier continuait à masser. Après quelques secondes, il demanda :

« L'électrocardiographe ne donne plus de signal... Depuis combien de temps? Est-ce que quelqu'un le sait ?

— Longtemps, dit Marc.

— Trois ou quatre minutes », précisa Raoul. Le visage du médecin s'assombrit.

— Nous n'avons plus de temps à perdre... » murmura-t-il.

Il appuya fortement sur l'estomac du noyé, en regardant l'écran avec attention. La tache verte poursuivit son déplacement horizontal sans le moindre mouvement vertical.

« Ça ne donne absolument rien », dit-il. Il paraissait très inquiet. Ses lèvres remuèrent, mais il parlait si bas que Marc, tout proche de lui, fut seul à entendre ce qu'il disait.

« Plus aucun espoir...

— Qu'est-ce que tu dis? » demanda Raoul qui surveillait toujours le débit d'oxygène.

Le docteur Forestier ne répondit pas. Les sourcils froncés, il regardait le noyé sans le voir, et réfléchissait. Quinze ou vingt secondes se passèrent ainsi. Personne n'osait parler... Puis, brusquement, le médecin releva la tête, comme s'il avait pris une décision.

« Marc, passe-moi la boîte... Là-bas, au bout de la table... »

Marc lui donna la boîte, et le docteur en tira une seringue munie d'une longue aiguille. Il ouvrit une ampoule et emplit la seringue. Raoul comprit et ne posa pas de questions... ( « Une injection d'adrénaline dans le coeur, pensa-t-il. Si ça rate, c'est fini pour toujours... ») C'était un coup de fouet pour obliger le coeur à battre. La toute dernière chance...

Le docteur interrompit soudain ses préparatifs.

« Qu'est-ce qu'il attend ? » pensa Raoul. Très inquiet, il regarda son père, dont l'attitude avait changé.

« Marc, donne-moi l'éclairement maximum. Toute la puissance... »

Tout de suite, la lumière devint intense, presque éblouissante. Le docteur Forestier recula légèrement, tenant le poignet gauche du noyé pour lui tâter le pouls et observant le corps immobile avec une attention extrême... Il y eut quelques instants de silence absolu. Les trois garçons qui étaient debout regardaient aussi, et tous purent voir, à la base du sternum, là où les muscles abdominaux, détendus, dessinent un léger creux... Tous purent voir que ce creux se soulevait et s'abaissait régulièrement, au rythme d'un coeur qui battait très lentement, un coeur qui ne voulait pas mourir... Serge, toujours couché, ne le vit pas. Il entendit, dans un souffle vibrant d'émotion contenue, une voix qu'il percevait à peine mais qui ne pouvait pas le tromper... « Il est vivant... » Il n'entendit rien de plus. C'était assez pour qu'il se sente envahi, comme les autres, par une joie immense, une joie que rien, jamais, ne lui ferait oublier...

 

 

Tous droits réservés Philippe Ebly